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Article Plaisirs du Gers – Juillet 2025

Article Plaisirs du Gers - Variette Beau Bon et Bio

VARIETTE, BON BEAU ET BON
Article de Didier Goupil
Crédit photo Michel Carossio

Héritière de trois générations de charcutiers-conserveurs et liée
à deux entreprises renommées pour leur savoir-faire gourmand,
Anne Dubarry, après avoir accepté un temps de prendre le relais,
a finalement choisi le pas de côté et la contre-allée. Adieu oies
et canards, rillettes et foies gras, et bienvenues aux semences
paysannes et aux variétés anciennes de légumes et de fruits
oubliés.
Native de Gimont, Anne Dubarry, a été élevée dans un univers
familial dédié au canard et à son emblématique foie gras. Tout a
commencé en 1908 quand son arrière-grand-père qui tient une
charcuterie en ville décide de prolonger l’activité par la création
d’une conserverie.

Comtesse et Ducs
Dubarry n’est pas un nom rare dans le Gers, il désigne
simplement celui qui « vient du bourg », mais jouant de
l’homonymie avec la fameuse comtesse et de ses liens avec
Lévignac, lieu de naissance de l’amant qui la présentera au roi
Louis XV, il aristocratise l’appellation : Comtesse Du Barry.
Formidable coup de marketing qui assoit la renommée rapide
de l’entreprise. Celle-ci est non seulement présente dans les
foires où elle met au goût du jour un inédit et insolite sandwich
au foie gras, mais elle développe la vente par correspondance,
une innovation pour l’époque, qui lui permet de dépasser les
frontières du département et de devenir le symbole de la
gastronomie gasconne. Au sortir de la deuxième guerre
mondiale, c’est Yvette, la fille aînée, qui reprend le flambeau et
poursuit l’essor de l’affaire. De son côté, son frère, Gabriel, le
grand-père d’Anne, crée sa propre conserverie en 1953. Clin
d’œil malicieux à la Comtesse, il la nomme Les Ducs de
Gascogne. Après avoir, le premier, conçu « le bloc de foie gras »,
il s’emploiera en particulier à développer l’outil de production et
à le transmettre opérationnel à son fils, Pierre. Quant à son tour,
celui-ci prend sa retraite au début des années 2000, ce sont
deux de ses trois filles qui reprennent l’affaire. Anne et sa sœur
Laurence vont co-diriger la société pendant dix ans. Diplômée
d’une école de commerce et forte d’expériences
professionnelles à Madrid puis à Paris dans l’agroalimentaire et
les centrales d’achat, Anne s’occupe du marketing et de la
commercialisation des produits. En 2016, néanmoins, la Maison
est mise à la vente. Les raisons sont nombreuses. Économiques
assurément, la concurrence des groupes industriels, les
contraintes saisonnières devenues plus difficiles, mais
également personnelles. Elle a beau être héritière de trois
générations dévouées au plaisir de la bouche et avoir eu pour
goûter tout au long de son enfance des tartines au pâté, elle a
de plus en plus de mal à accepter la maltraitance animale et les
conséquences écologiques de l’agroalimentaire. Autorisons
nous cette formule triviale : Elle est gavée du canard ! Au même
moment, de plus en plus convaincue de la nécessité de modifier
les conditions de production et nos comportements
alimentaires, elle change de manière de se nourrir et devient
végétarienne. « Seule exception, précise-t-elle en s’en amusant,
les oreilles de cochon ! C’est une tradition familiale à laquelle on
ne peut pas déroger, et pour cause…»

« Variété, c’est ma devise »
Le temps de la réflexion est venu. Que faire ? Comment traduire
et continuer à transmettre, d’une autre manière, son
attachement profond pour sa terre du Gers ? La réponse va venir
par la grâce du hasard. Avec un ami, un peu par défi, elle décide
de s’inscrire à un CAP de boulangerie. L’artisan-boulanger qui
l’accueille travaille sur des variétés anciennes issues de
semences paysannes, libres et reproductibles. C’est le déclic, une source
d’inspiration. Il y a donc bien une vie après le foie gras ! À
rebours du modèle agro-industriel, elle commence par rédiger
une charte qui expose ses engagements en lien avec ses valeurs
puis elle crée sa société : Variette. L’objectif est double : valoriser
la biodiversité et par là-même réhabiliter des variétés oubliées
ou négligées au sein d’une filière végétale essentiellement
gersoise qui va de la graine au produit final. Anne Dubarry, on le
voit, pourrait sans souci s’approprier la formule de Voltaire :
« Variété, c’est ma devise ». Dans cette perspective, les
pesticides et l’utilisation des tracteurs ne sont pas autorisés. Les
cultures de plein champ elles sont priorisées et une attention
particulière est portée à la préservation des sols et des milieux
naturels, ainsi qu’au respect de la saisonnalité. Pour mener à
bien son projet, à savoir proposer des produits du terroir sains
et goûteux, riches en apports nutritionnels, Anne Dubarry a su
fédérer autour d’elle un réseau de semenciers, d’agriculteurs et
de maraîchers tout aussi soucieux qu’elle de ce que nous
mettons dans nos assiettes. Les avantages sont multiples :
favoriser les échanges locaux, réduire les temps et les coûts de
transport et engendrer de la proximité entre les différents
acteurs professionnels. L’engagement on le voit est tout autant
moral : garantie sur les volumes en début d’année, prix juste,
réduction des délais de paiement. C’est donc non seulement un
projet commercial que porte Anne Dubarry, mais aussi et
surtout une vision pour l’avenir, un projet de vie à même de
relever les défis environnementaux de notre époque tout en
maintenant un tissu économique et social qui permette à
chacun de vivre au pays et de son travail.

Beau, bon… et bio !
On ne choisit pas le nom d’une marque sans y réfléchir, elle
annonce ce que l’on souhaite proposer à ses clients, et Anne
Dubarry n’a pas opté pour Variette sans raisons. Dans Variette,
on entend bien sûr Variété. Du latin « varietas », le mot exprime
la diversité. Diversité des goûts, des couleurs et surtout diversité
des origines. Il n’existe pas une tomate, mais des dizaines, et
comme d’autres cultivent les roses anciennes, Anne Dubarry
s’applique pour le grand plaisir de nos palais à les ressusciter : la
Noire de Crimée, la Rose de Berne, la Cornue andine, la Valencia
d’un orange éclatant, l’Indigo d’un bleu vif, la Cœur de bœuf très
appréciée ou la Green zebra, d’un beau vert, sa préférée. Ce
n’est plus de l’épicerie, aussi fine soit-elle, mais de la poésie. De
la poésie pure. « Sans variété, point de beauté » pour reprendre
de nouveau les mots de Voltaire. Simplement relevées d’une
pincée de sucre de canne et de fleur de sel, ces sauces et
confitures de tomates ne sont pas simplement bonnes, elles
sont belles à voir, et c’est un régal tant pour l’œil que pour les
papilles. Beau et bon, c’est bien. Beau, bon et bio, c’est mieux
encore ! À base de recettes volontairement simples, utilisant
peu d’ingrédients pour ne pas altérer le goût originel, les
conserves de Variette, pois chiches noirs et blancs, lentilles
multicolores, houmous, crèmes de poivrons, petit épeautre,
constituent une gamme colorée et naturelle mettant en valeur
des variétés anciennes dites de « population », au goût rare et
unique, idéales pour accompagner plats de pâtes ou autres
légumes grillés. Soucieuse de ses engagements jusque dans les
moindres détails, Anne Dubarry prend soin à ce que l’emballage
de ces produits répondent à ses exigences écologiques. Le
plastique est exclu, les bocaux en verre ou sachets papier kraft,
emballages les mieux recyclés aujourd’hui, sont privilégiés. Les
étiquettes confectionnées sur un papier issu d’une forêt gérée
durablement et les cartons de suremballage fabriqués avec du
papier recyclé. Difficile de faire mieux, mais cela ne nous
surprend pas, c’est tout à fait en accord avec le sens de
l’exigence qui est celui de notre entrepreneuse engagée.
Comme l’on récolte ce que l’on sème, cette exigence à la fois
humble et puissante vaut aujourd’hui aux conserves fines de
Variette une reconnaissance au-delà des frontières du Gers.
Distribuées à Toulouse par une quinzaine de points de vente
(chaînes bio, épiceries fines, fromagers) et à Paris par La Grande
épicerie du Bon Marché, elles collectionnent les prix et les
reconnaissances : prix bien manger Santé Magazine, coup de
cœur du jury Marmiton ou encore la mention spéciale de
l’émission sur France Inter de François-Régis Gaudry, critique
culinaire et présentateur de ” On
va déguster”! On ne peut trouver meilleure formule pour définir
le plaisir gustatif auquel nous invitent les créations culinaires,
aussi rares que raffinées, proposées par Variette et son
initiatrice, Anne Dubarry.

Didier Goupil